Aujourd’hui, je te parle un peu de Papi Verdier. Jean-Pierre, mon Papi à moi. Ze Vic Verdier original.
Le rideau se lève, le narrateur parle :
« Il était une fois un homme d’affaires de la Vieille Capitale qui manufacturait et distribuait les meilleurs balais et brosses pour usage domestique ou commercial. Le bonhomme avait d’abord été un garçon laid, bigleux et infirme. Ses jambes croches l’avaient empêché de marcher jusqu’à ce que, vers ses 12 ans, il subisse une opération expérimentale en Europe! Il avait fait le voyage en bateau, et tout.
On le retrouve dans la vingtaine, capable de vivre une vie normale – mais toujours affublé de strabisme –, ambitieux en affaires, l’âme d’un poète et désormais amoureux d’une femme. On ne peut pas demander mieux. Nous sommes en 1939. (Pour une fois, les infirmes ont un avantage, ils ne vont pas à la guerre.)
Papi aurait bien voulu conquérir la belle à coup de chansonnettes, mais, en ces temps incertains, la demoiselle préférait la sécurité du dollar. Par chance, le bonhomme savait aussi comment faire rouler son affaire. Il marie la jeune femme et lui fait des enfants, dont mon Papa.
Dans les années ‘40, on ne mélangeait pas les rôles : on était soit un respectable homme d’affaires (membre des Lions et des Chevaliers de Colomb), soit un artiste. Pas les deux. Donc, Papi décide de s’inventer le pseudonyme de Vic Verdier pour laisser libre cours à ses envies artistiques. Caché sous cette nouvelle identité – ça sonne bien, non ? –, il compose des vers et de la musique. Je crois même que certaines de ses mélodies seront jouées à la radio, quelques fois, pas souvent.
Le succès ne viendra jamais. »
Par contre, son impact sera significatif sur l’imaginaire de son petit-fils. Il m’a appris à siffler, mais malheureusement pas à jouer du piano. Les cartes de fête qu’il m’écrivait sont des bijoux de prose tapée à la machine sur des cartons blancs embossés. Je me suis dit que moi aussi, un jour… et que je deviendrais Vic Verdier à mon tour.
Voilà, c’est fait.
Merci Jean-Pierre, je te dédie L’appartement du clown.
VV