Vic a lu pour toi: Replay de Ken Grimwood

La version originale

La version originale

En fait, je l’avais déjà lu (ce qui tombe à point pour ce roman).

La première fois, c’était à la fin des années 1980. Ma mère était abonnée à une collection de romans qu’elle recevait par la poste et qui, une fois qu’elle les avait dévorés, allaient s’aligner dans la bibliothèque de sa chambre. Une longue série de romans aux titres embossés, bronze, sur fond de simili-cuir marron. (Tu t’en souviendrais sûrement, toi aussi, si tu en voyais un exemplaire. Je ne me rappelle plus de l’éditeur…) Il me semble que les Robert Ludlum m’avaient attirés au départ, mais celui qui m’est resté dans la tête… c’est Replay. La traduction m’avait parue bonne sur papier.

Pour mon deuxième passage, je me le suis procuré en anglais, sur mon iPhone. Et je l’ai encore avalé tout rond. J’y ai aussi trouvé bien plus qu’une agréable sensation de déjà lu. J’ai eu un plaisir fou à me faire reprendre au piège, quoique de façon différente. Je suis plus vieux.

En bref: Jeff meurt dans son bureau en octobre 1988. Le téléphone lui tombe des mains et la crise cardiaque le terrasse. Il ouvre les yeux dans son lit. Celui de sa première année d’université, 25 ans plus tôt. Il se souvient de tout ce qu’il a vécu, mais le monde, lui, est simplement de retour sur sa course originale.

Replay fait partie de ces livres que vous lisez en espérant secrètement que la même histoire vous arrive. (Quand un auteur réussit ça, il faut reconnaître son talent et essayer de ne pas trop le jalouser.) Il ne s’agit pas d’un chef-d’oeuvre de littérature dont les mots, entrelacés, vous bercent l’âme. Non. Par contre, ce n’est pas mal écrit non plus. Le style est clair. Le déroulement, précis. On y trouve quelques belles images.

Mais ce qui vous fait tourner la page, encore et encore, c’est que Grimwood fait faire à ses personnages ce que vous feriez vous aussi, à peu de choses près. Vous avez la chance de tout reprendre depuis le début vous… utilisez votre prescience  pour amasser des tonnes d’argent? Oui. Vous… désirez vous réaliser pleinement, juste pour voir? Of course. Vous… essayez des choses que vous n’aviez pas été capable de faire durant votre premier passage? Por supuesto. Vous… vous retrouvez fin seul et vous vous demandez si cette existence est une version de l’enfer? Des extra-terrestres vous ont choisi comme rat de labo? Oui, oui, oui.

Le génie de Grimwood est de nous présenter quelque chose de plausible, en exagérant juste ce qu’il faut. Il ne nous entraîne pas sur les traces d’un super-héros; il nous lance une idée délirante et nous colle un miroir devant le visage pour nous raconter son histoire. Je me suis vu là-dedans.

Et j’ai parlé de ce roman cent fois, à cent personnes différentes. Je te conseille d’essayer, il y a peu de chance que tu le regrettes. D’ailleurs, depuis la parution, l’oeuvre a gagné en profondeur. Parce qu’en plus de nous inviter à nous projeter dans son aventure, Replay nous la joue très années 1980 – ce monde qui avait l’impression d’être si moderne, si impersonnel, si mécanique (même sans Internet), tout en contraste après la fougue des mouvements socio-politiques des années 1970. Pour le lecteur de 2014, c’est un bel exercice de mémoire.

Entre toi et moi, je me suis souvent imaginé ce que je ferais si j’étais moi-même le héros de ce roman. Je ne compte plus les nuits où je me suis endormi en nourrissant ce fantasme. Je me vois de retour à Saint-Augustin-de-Desmaures. C’est le matin, mon frère dort, ma soeur est sous la douche. Je déboule les marches de l’escalier et je tombe face à face avec mon pèere qui fume sa première cigarette et ma mère qui vient de se faire un café. (Ils sont là, vivants, et je n’en reviens tout simplement pas. Mes enfants, eux n’existent pas encore.)

Bizarrement, si cette aventure se produisaient aujourd’hui, je me retrouverais en 1988, comme Jeff. Je me réveillerais peut-être en train de lire Replay dans la chambre de ma mère! (Et si j’attends quelques années d’avoir atteint l’âge de Jeff au moment de sa première mort, nous serons en 2017 – en synchronisme avec l’épilogue du roman. Tout est dans tout.)

J’ai un peu peur, juste là. Un peu hâte, aussi.

VV

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