Vic a lu pour toi: Les Agneaux de l’Aube de Steve Laflamme

Steve Laflamme écrit bien et efficacement. Ce sont deux qualités qu’il m’apparaît parfois difficile de marier. Tu vois, normalement, le balancier penche d’un côté ou de l’autre – pas chez Steve. (Je le connais, donc, je passe au prénom, OK?) Cette enquête de Fred Santinelli nous offre des rebondissements en quantité, aussi bien que des phrases fichtrement bien tournées.

Ce roman nous emporte dans une série de meurtres aux origines mystérieuses qui semblent tisser des liens avec des œuvres littéraires à saveur occulte. La mise en scène des morts porte à la réflexion. La protagoniste, Frédérique Santinelli, est professeure de littérature et a volontairement oublié les premières années de sa vie. Déjà là, on a quoi réfléchir. Elle va faire équipe avec Guillaume Volta, de la Sûreté du Québec, pour détricoter toute l’affaire.

Voici en vrac ce que j’ai le plus apprécié dans cette histoire:

  • Le sincérité des protagonistes: Santinelli, fragile et résiliente à la fois – Guillaume Volta, qui doit composer avec une femme handicapée et une enquête hautement complexe;
  • Le plaisir des mots: Steve nous offre un buffet à volonté grâce à un vocabulaire précis et sans vergogne;
  • Les pistes tortueuses de l’occulte: ce roman nous présente des curiosités littéraires mystiques/mythologiques qu’il m’a fait plaisir de découvrir;
  • Des rebondissements véritables: moi, j’aime ça quand ça bouge – Steve nous présente une histoire qui s’épluche comme un oignon et qui offre des redirections à chaque couche qu’on retire;
  • Un bon coup de COVID: ce roman va là où j’ai hésité à aller – il raconte une enquête en temps de pandémie. Pour moi, c’est un exercice fastidieux que j’ai décidé d’éviter (mon prochain roman se déroule juste avant le début de cette période houleuse). Je me rends compte que ce contexte donne un ancrage fort aux propos. Bravo.

Bref, je recommande ce polar.

Merci à Steve Laflamme de sortir des sentiers battus et de se permettre une enquête qui sollicite le cerveau et titille les émotions en même temps. J’ai passé un très bon moment en compagnie de ses personnages; je voulais en découvrir plus sur leurs histoires personnelles, c’est bon signe. D’ailleurs, Mr. Theflame nous laisse en suspens à ce chapitre, annonçant ainsi une continuation que je vais attendre impatiemment.

Ciao,

VV

Vic a lu pour toi: Tout écartillées de Marie-Eve Bourassa

Quand commence l’histoire que raconte Marie-Eve Bourassa dans Tout écartillées, Vic a approximativement 60 dodos — ouin, peut-être deux mois d’existence.

On changeait mes couches à St-Augustin-de-Desmaures, à quelque 250 km du Montréal emboucané et à la découverte de lui-même que choisit de faire vivre l’autrice. Parce qu’elle vit, cette métropole qui vient d’offrir les Olympiques de la jeune Nadia Comaneci au monde entier. Elle vit, elle trépigne, elle s’accepte parfois, se rebute aussi, elle ne se comprend pas tout-à-fait. Le Montréal de1976 constitue une toile de fond bigarrée parfaitement assortie à ce roman… ou vice versa. Marie-Eve Bourassa met en scène des personnages qui ont le don de surprendre. Ils m’apparaissent tous en trois dimensions, réels et douloureux, cassés, usés, mais pourtant toujours grouillants et gigotants.

Les Georges, Raoul, Roger, Linda et Jocelyne qui peuplent ce livre auraient pu être mes mononcles, mes matantes. J’ai des photos de gens comme eux dans mes boîtes d’archives familiales.

En 1976, j’étais à peine une petite chose pleurnicharde – mais j’étais. Cette époque, c’est aussi la mienne. Le roman est assez bon pour que j’y croie.

Donc, un bon, voire un très bon, voire un excellent roman. Ça raconte l’enquête d’un détective privé qui peine à reprendre son élan depuis certains événements tragiques autour d’Octobre 70. Georges Kirouac, son nom. Il est coincé entre son alcoolisme, ses cigarettes, sa moto, sa fille Marie-Baby, son ex-partner de la police, le crime organisé et le besoin de plaire à une barmaid qui a tourné dans un film de fesses. Go mon Georges.

J’aime quoi de ce roman?

  • L’intrigue, qui commence toute petite, mais sur les chapeaux de roues, et qui se termine en feu d’artifice. Des rebondissements de qualité, des surprises, des scènes croustillantes dans des bars, dans un peep show, dans le bois… une bonne enquête habillement enchevêtrée, avec des motivations solides.
  • Les “enfants de nanane”, les “fait à l’os”, les “kin toé”, les “tu veux-tu un refill”, les “checke les cabanes” – une langue québécoise qui fesse dans les oreilles, qui chante en franglais, qui donne l’impression de l’entendre pour vrai.
  • Les sandales de Georges sur sa Triumph, Export “A” au bec, qui se sauve d’une cliente trop insistante.
  • Les dialogues. Réalistes. Ça donne le goût d’embarquer dans la conversation.
  • Le jeu de miroirs et de références croisées à la miuze, aux films, aux pubs des années 1970. Appeler des chapitres “Bozo-les-Culottes”, « On est six millions, faut se parler », “L-O-L-A, LOLA” ou “Tous les palmiers…”, ça rehausse la saveur de cette histoire avec du piment qui goûte très bon. Sans farce, c’est bien fait dans le texte aussi. (Et ça me rappelle ma propre incursion dans la pop culture avec L’appartement du clown et Le Moderne Cabaret.)
  • Le choc de la révolution sexuelle et du processus d’émancipation de la femme… une incursion réussie dans la tête des hommes et des femmes qui le vivent, tant bien que mal et chacun.e à sa façon; dans une commune ou en laissant pousser sa bedaine de bière, c’est tout comme.

Pour la petite histoire, la romancière et moi avons échangé nos romans à Montréal, en 2021, pendant la Caravane Littéraire de Guillaume Morrissette (qui reprend du service en mai 2022). Je suis bien heureux de ce détour du hasard.

Marie-Eve, voici la citation que je t’offre, tu peux la répéter partout:

Tout écartillées m’a jeté par terre. C’est un roman policier maîtrisé, mais c’est aussi tellement plus que ça. Je suis devenu le chum de Georges Kirouac, le perdant-mordant qui mène l’enquête, et j’ai fumé quelques clopes avec lui. J’ai eu l’impression d’arpenter les rues sales de Montréal sur sa moto, à la fin d’un été chaud, juste après les Olympiques. Ce livre est un buffet varié, savoureux et un peu salé – comme ceux que j’imagine qu’on servait dans les “bars à totons” en 1976.”

Vic Verdier

Est-ce que je t’ai convaincu? Vas-tu le lire? Tu devrais. Et, tu seras d’accord, ce roman a un criss de bon titre.

Ciao,

VV

Vic a lu pour toi: Killing Floor de Lee Child

Jack Reacher est sur le point de faire l’objet d’une nouvelle série télé. Je me suis dit: « T’as jamais lu ça, Vic. Envoye donc. » J’ai donc commencé par le commencement: Killing Floor, le premier roman de la presque trentaine qui met en vedette le dur-à-cuire.

On se retrouve dans les années 1990, avec un Jack Reacher qui s’acclimate à la vie civile après sa carrière dans la police militaire. On comprend qu’il en a vu d’autre et que le système lui tape sur le… système. Quelque chose de rare. Ça fait six mois qu’il se promène avec rien du tout, payant tout en liquide, ne laissant pas de traces. Le roman s’ouvre sur son arrestation, dans un dinner à Margrave, une bourgade en Georgie. (C’est l’illustration de la photo, plus haut, tant qu’à…) On le soupçonne de meurtre alors qu’il vient tout juste d’arriver en ville; il passait par là pour visiter la tombe d’un vieux guitariste de blues dont son frère lui a parlé. Une coïncidence. De fil en aiguille, il est contraint d’agir. Cette petite ville cache un secret qui pourrait avoir des répercussions sur toute l’Amérique. Jack s’en fout: il décide de son propre agenda selon ses propres besoins, ses propres règles. On s’attend à ce que les gens qui s’en prennent à Reacher finissent par nourrir les pissenlits par la racine – et c’est ce qui arrive, effectivement.

Franchement, c’est bon. Écrit à la première personne, bien rythmé, de beaux revirements, le goût de tourner ces pages qui brûlent les doigts. Du divertissement de première classe. Est-ce que Child révolutionne la littérature d’action? Non, pas du tout. C’est un pâté chinois bien exécuté qu’il faut manger quand on a le goût d’un bon pâté chinois.

Je suis séduit par la relation entre Reacher et le blues, la musique américaine en général. Ça ne se traduit pas bien du tout à l’écran, mais dans le livre, ça apporte quelque chose de rafraîchissant. Jack a souvent de la musique dans la tête, des sons et des paroles. Child utilise ces chansons, ces textes, pour expliquer l’état d’esprit de son personnage. J’aime bien. Un beau contraste avec les moment où il tue des méchants à mains nues…

Le fait que le roman date de plusieurs années me plaît également. J’apprécie de me souvenir de la lenteur des enquêtes quand on fonctionnait au fax, au bottin de téléphone et aux faveurs de contacts personnels. Il m’arrive d’avoir ce sentiment-là avec mes propres livres, particulièrement L’appartement du clown et Le Moderne Cabaret.

Bref, je me promets de faire un détour par la série des Jack Reacher une fois de temps en temps; quand j’aurais une rage de pâté chinois – et du ketchup à portée de main pour mettre dessus.

Ciao,

VV

Vic a lu pour toi: Les fils d’Adam de David Bédard

David Bédard écrit bien et ça éclaire son récit noir. Il y a un rythme soutenu dans ce thriller. Dès les premiers paragraphes, on sait qu’on va avoir droit à une histoire un peu débile, gore et « in your face ».

La prémisse est simple et cadrée rapidement: une jeune femme déçue, sur le point de partir dans l’Ouest du Canada, accepte le rendez-vous d’une homme plus âgé. Ils sont supposés aller au restaurant – les choses ne se passent pas du tout comme prévu. Elle est retenue prisonnière quelque part au nord de Montréal et découvre la folie des Fils d’Adam.

On aime Les fils d’Adam parce que:

  • On veut se plonger dans une histoire de séquestration qui sort de l’ordinaire;
  • On a envie de rencontrer des personnages décalés, hors de la réalité normale, choisis pour assouvir des pulsions malsaines;
  • On a le goût de plisser les yeux en lisant des scènes dé-gueu-las-ses;
  • On aime essayer de comprendre ce qui se passe vraiment derrière les écrans de fumées qui enveloppent les personnages;
  • On est curieux de rencontrer Marcel et sa grosse bite 😉

Donc, beau travail, David. J’ai eu bien du plaisir dans tes pages.

On en jase bientôt – tu restes tellement pas loin de chez moi… tout près du Manoir terrible qui sert de demeure à tes fils de crottés, en plus.

Ciao.

VV

Vic a lu pour toi: « La bête intégrale » de David Goudreault

David a les cheveux plus longs, ces temps-ci… m’excuse… photo de Radio-Canada

Tu le sais, je ne parle que des livres que j’ai aimés; il y a assez de mauvaises critiques sans que je perde du temps à y ajouter les miennes.

Donc, La bête intégrale de David Goudreault. **** Let’s cut the crap. Ce roman a été primé, il est encensé.

Ma contribution sera donc de t’offrir un TOP 3 des raisons qui font que moi, je l’ai aimé:

  1. Voyage dans la tête d’un personnage fantastique pour recadrer la société dans laquelle nous vivons – ambitieux et réussi
    1. La bête définit sa propre échelle de valeurs, elle ne correspond probablement pas à la tienne, ni à la mienne. Elle est atroce et donne envie de vomir – pourtant, elle est solidement ancrée dans notre monde, elle en est le substrat. Ça ouvre les yeux.
    2. La bête se livre sans filtre. Elle dit des énormités qui ressemblent à des vérités.
  2. Ces mots qui montent en moi comme des mantras ou qui meurent mollement selon les mouvements de mes malaises – la langue de David Goudreault (wow)
    1. David sait s’amuser avec la langue. Il écrit vraiment très bien. Il m’a fait rire fort et souvent. Frissonner, aussi.
    2. David se donne les moyens de faire parler sa bête – elle brise le quatrième mur, s’adresse au lecteur, se positionne elle-même comme narrateur-rappeur. C’est formidable.
  3. Une histoire terrible, pourtant banale, qui nous permet d’entrevoir des univers clos, de l’intérieur
    1. La crasse de la vie « normale » après une enfance avec des ancrages atypiques
    2. La violence de la prison, microcosme de la société, enfer dégradant
    3. La mécanique implacable de l’environnement psychiatrique
    4. La rue, dans son expression crue, mais où on cherche le bonheur, chacun à sa façon

Bref, c’est bon. C’est très bon.

Dans ce livre, on se retrouve à la croisée entre un journal intime et un film d’action. La bête amorce sa vie adulte au début du roman. Déjà, elle est persuadée que ce monde est pourri et que ses règles s’appliquent aux moutons. Pourquoi y chercher autre chose que du contentement à l’échelle de sa personne? Pourtant, comment, par ailleurs, ne pas être forcé d’aller vers l’autre? Vers la mère qui l’a abandonné, vers la femme qui pourrait l’aimer, vers des amis avec qui partager ce qu’on apprécie, vers le public qu’on souhaite toujours impressionner et qui peut rendre riche…

Tout au long des ce texte, la bête veut ce que tu veux, toi-aussi, dans le fond, mais elle le désire selon sa propre construction du monde.

David Goudreault te remet en pleine face que toi aussi, le monde t’apparaît selon la compréhension que tu en as. Est-ce la bonne? Hein? En es-tu fier, de tes valeurs, de tes principes? Est-ce que ça apporte du bon et du savoureux, ton affaire? Pour toi? Pour les autres?

J’ai terminé ma lecture depuis quelques jours et le roman m’habite encore. Il va demeurer auprès de moi, je le sais déjà.

Comme auteur, David me donne envie de jouer davantage avec les mots. D’y porter une attention plus amoureuse. Comme humain, il me questionne. Sa bête me pourchasse et je me demande à quel point je m’en différencie.

J’ai bien peur que la bête existe un peu en-dedans de moi, que je sache le reconnaître ou pas.

Je me rends compte que mes romans posent systématiquement des questions qui ressemblent à celles de David dans sa bête intégrale: les choix qu’on fait quand personne ne regarde, le besoin viscéral de réussir, l’instinct de vengeance, la recherche maladroite de l’intimité, la société qui se transforme quand on en change les paramètres. J’aborde ces thèmes moi aussi; de façons très différentes, voire opposées à l’approche de David – pourtant, ces questions demeurent centrales dans tous mes romans.

Et ça donne des livres for-mi-da-bles. (Merci David.)

VV

Vic a lu pour toi: « L’affaire Mélodie Cormier » de Guillaume Morrissette

Un polar bien ficelé en plein cœur de Trois-Rivières.

Je viens de terminer ce roman de Guillaume Morrissette. Je sais, ce livre n’est pas son plus récent, mais c’est vraiment une lecture à recommander.

Une fillette disparaît, le père est pointé du doigt. Les policiers piétinent. Un jeune et son amie, mystérieusement interpelés. Pourquoi donc? On les fait courir après des indices à l’aide d’énigmes… la petite est-elle encore vivante? Quel est le lien entre la chasse aux énigmes et l’affaire de disparition. Les policiers se font-ils mener en bateau? On a l’impression qu’ils vont trouver qui se cache derrière, on y touche presque.

Je t’offre un TOP 6 de mes réflexions:

  1. Une équipe de policiers pas cons, pas névrosés, capables… ça fait changement.
  2. Des énigmes qu’il fait plaisir à voir résolue par les personnages.
  3. Trois-Rivières, au lieu de NY ou LA – tu sais que j’ai un faible pour les endroits moins fréquentés.
  4. Des dialogues bien travaillés, sans flafla.
  5. Quelques rebondissements et « misdirections » qui fonctionnent vraiment bien.
  6. Une fin en nuance dans laquelle la question de la faute, la question du crime et de la moralité est habilement soulevé.

Bref, Guillaume Morrissette nous a offert une super introduction au reste de ses écrits avec L’affaire Mélodie Cormier.

Salut,

VV

Horrificorama donne des frissons à Clair-Obscur

Chloé Leclerc-Gareau est consciente que les recueils de nouvelles ont tendance à être inégaux. Mais…

« Horrificorama fait exception à la règle : les histoires sont toutes palpitantes, en plus d’être d’une grande qualité littéraire. Passer d’une nouvelle à une autre, c’est passer d’une surprise à une autre, les genres étant tellement variés que l’on ne s’ennuie jamais. C’est d’ailleurs la diversité qui fait la force d’Horrificorama, puisqu’elle assure que chacun y trouvera son compte. Les amateurs de gore se délecteront de Lac au Sable, de Vic Verdier […] »

VV