Vic a lu pour toi: Vingt-trois jours de haine, par Steve Laflamme

C’est bon. Vraiment bon. Évidemment, comme il s’agit de la 2e enquête du duo Volta/Santinelli, il est judicieux de lire Les agneaux de l’aube avant ce roman. (Clique pour savoir ce que pense de ce roman…)

Cette fois, Steve s’attaque à la violence dans le coeur des hommes, que les mâles dirigent vers les femmes. Il nous ramène son lieutenant de la SQ, Guillaume Volta, en proie à des moments de faiblesses face à l’état de santé de sa femme et Frédérique Santinelli, pratiquement prisonnière chez elle, en conséquence du drame qu’elle a vécu dans le roman précédent.

Deux choses se produisent en simultané. Santinelli découvre un mystérieux livre autoédité et dédicacé, Le calendrier de Tityos, qui raconte les 23 variations sur le supplice d’une femme par un homme. Il est évident que le récit donne des indices sur un crime réel; et Volta se lance dans l’enquête. Ensuite, presqu’en même temps, elle commence à découvrir des bouts de vérité sur sa propre vie — celle avant que la mémoire ne lui soit volé. (Santinelli ne se souvient de rien avant ses 18 ans.)

Honnêtement, il s’agit d’un polar cérébral, très bien ficelé. Steve Laflamme nous permet de découvrir les codes du livre mystérieux sous le regard horrifié de Santinelli et des collègues de Volta. On suit le policier et la professeur de littérature dans cette course effrénée, dans l’espoir de retrouver un femme disparue ou, qui sait, de prévenir d’autres crimes.

On va être servi; Vingt-trois jours de haine nous force à devenir témoins de scènes dures, qui posent des questions fondamentales sur notre société. Bravo d’avoir maintenu mon attention aussi bien du côté du Calendrier de Tityos que du côté du passé de Santinelli.

J’ai aimé une foule de choses, mais je retiens surtout:

  • Le chassé-croisé bien orchestré entre les crimes réels et la plongée au fond des tourments psychologiques des deux protagonistes, Volta et Santinelli.
  • Le plaisir de lire les indices et de jouer au jeu de piste que propose Steve Laflamme — je m’y suis enfoncé comme un kid. Chapeau pour l’utilisation d’un code QR dans les pages du roman.
  • Les thèmes très actuels qui touchent la violence faite aux femmes et aux premiers peuples. On n’en parle jamais assez.
  • La mythologie grecque, comme un fil d’Ariane (hé, hé), qui nous rappelle la richesse de ce patrimoine culturel occidental et la créativité dans les atrocités que les Anciens avaient imaginées avant nous.
  • Le rôle imprévu donné à Joëlle, la femme de Volta, qui m’a plu et qui a ouvert des avenues concernant ce personnage secondaire.
  • Les principes nuancés avec lesquels l’auteur nous laisse nous débattre. Par exemple, lorsque des sentiments haineux nous prennent à la gorge, jusqu’où est-il justifiable d’aller pour s’empêcher de devenir un montre? Ou encore: est-il moralement acceptable de forcer la main de la justice, quitte à voir des hommes se transformer en bêtes?

Donc, je te suggère de découvrir les romans de Steve Laflamme.

Ciao,

VV

Vic a lu pour toi: Prédateurs – Le père des anges, par David Bédard

David Bédard a récemment vécu un moment de folie qu’il a décidé de réaliser. Peux-tu croire qu’il a proposé une nouvelle série de thrillers aux Éditions Corbeau?

Ça se déroule le 11 juin 2003, pendant un orage terrible, alors qu’un convoi carcéral est impliqué dans un accident dans Charlevoix, permettant à une vingtaine des pires détenus qu’on puisse imaginer de prendre le large. Le chaos va s’abattre sur le Québec

Quelle prémisse remplie de promesses, non? Bienvenue chez les Prédateurs.

J’aime une foule de choses de ce roman que je te recommande:

  • Ça nous ramène en 2003, avant l’instantanéité des téléphones intelligents et des médias sociaux – l’action se déroule donc différemment. Bonne idée.
  • Il demeure une bonne dose d’inconnu dans le roman, même à la fin, parce qu’on sait bien que l’histoire plus vaste va se révéler au fil de nos rencontres avec les autres évadés.
  • Il est évident que David sait comment raconter des scènes terribles – ce n’est pas une mince tâche. Bravo.
  • L’intrigue semble claire, jusqu’à ce qu’elle ne le soit plus. Il brouille les pistes, le maudit Bédard. J’aime beaucoup, moi, quand je suis forcé de revoir mes hypothèses en lisant les rebondissements qui me surprennent.
  • Le déluge qui s’abat sur le Québec est comme un autre personnage, ce qui m’a semblé très à-propos.
  • Le rythme endiablé imposé par la cavale du fameux Père des anges a fait que j’ai commencé ma lecture sans pouvoir l’interrompre, bon signe, non? J’imagine que ce sera similaire dans les autres opus de cette série.

Bref, bref, bref… tu peux te garocher là-dessus pour une lecture qui cogne dur.

Ciao,

VV

Revisiter L’appartement du clown: une histoire qui a mûri

En 2010, il y avait déjà neuf ans que l’époque où se déroule l’action de L’appartement du clown était révolue. Je trouvais ça loin, septembre 2001. Assez loin pour vouloir raconter une histoire légère, avec une foule d’éléments autobiographiques, qui commence la veille du fameux 9/11.

Ça s’est soldé par quelque chose qui se rapprochait de la chick-lit… ou, comme on me l’a suggéré récemment, de la dick-lit. (Bref, une histoire de gars, dans la vingtaine, qui font la fête et s’interrogent sur leur vie, l’amour, le cul, ainsi-soit-il. C’est drôle, provocateur, parfois intelligent.)

Les critiques ont aimé le roman, affirmant qu’il était parfait pour une lecture d’été sur la bord de la piscine. Ils n’avaient pas tort. En 2010, mon premier roman goûtait la légèreté, le divertissement et permettait une saucette dans l’ambiance du Mile-End.

Aujourd’hui, L’appartement du clown se présente TRÈS différemment. Surprise!

Un arrêt-sur-image: Montréal au tournant du 21e siècle

J’ai l’intention de republier le roman en 2023. Yeah! J’ai donc relu et actualisé mon récit. J’améliore les dialogues, je resserre, je complète. J’ai beaucoup de plaisir. J’ai d’ailleurs décidé de changer son titre: L’artiste, le clown et le sauveur.

Et je me surprends, c’est le cas de le dire.

En 2023, mon clown est devenu un polaroïd aux couleurs d’un moment précis dans notre histoire. Il est vintage, ce roman; il parle du monde qui entre progressivement dans l’époque actuelle. Il brosse un tableau de cette période où le Web se construisait, mais avant la révolution du iPhone, avant les images portables, l’instantané omniprésente des textos. Pense-s-y comme il faut, ça a bouleversé plein de choses… plein de choses.

Les rebondissements de L’appartement du clown demeurent vraiment divertissants – vraiment, vraiment divertissants. Il se produit des affaires complètement folles dans cette aventure. Par contre, c’est le décors de l’histoire, surtout, qui a pris du relief. Il touche presque à la nostalgie. (Je t’offrirais bien une analogie de sommelier, sur le vin qui gagne en complexité avec l’âge, mais ce serait balourd de ma part.)

En lisant mes propres mots, je redécouvre ce monde qui était le mien.

J’ai vécu ce Mile-End, j’ai arpenté ces cafés, j’ai connu des soirées mémorables, je me suis posé les questions que Vic se pose dans le roman; mais ces souvenirs étaient en dormance. J’espère franchement que les nouvelles lectrices et nouveaux lecteurs vont apprécier cette plongée dans l’univers de Bush fils, de la musique lounge, des jeans taille basse.

Je pense que tu vas avoir du fun à lire ça. Stay tuned.

Ciao,

VV