Vic a lu pour toi: J’haïs les bébés de François Barcelo

J’haïs les bébés (avril 2012) est un roman de François Barcelo que moi, je n’haïs pas. Du tout. J’aime bien et François et son roman. Il s’agit d’un titre des éditions Coups de Tête que je me suis offert en voyage sur mon itéléphone, téléchargé là-bas à partir d’un site d’ici. J’affirme au passage que je me convertis graduellement au support numérique et que ça me rassure sur ma capacité d’adaptation. Donc haine et bébés étalés sur les pages d’une plaquette qui fouette comme une cravache. Schlack!

Je suis bon public pour ce genre d’histoires. François Barcelo avait d’ailleurs déjà commis une novella chez XYZ, dans la défunte collection Kompak. Ça s’appelait Le seul défaut de la neige et je trouve d’agréables similitudes entre les deux livres. L’auteur doit y être pour quelque chose. Bref, que dire de J’haïs les bébés? Barcelo nous offre une histoire tordue qui flirte avec l’infanticide. Ça se passe à un jet de pierre du Roché Percé, la veille de Noël, dans une cabane de motel, entre une héroïne déséquilibrée qui se sauve de l’accouchement de sa fille, une barmaid blasée, une jeune maman au jugement déficient, un groupe de Français en motoneige, une chatte malchanceuse et quelques agents de la SQ. Au départ, la chose ressemble à une mésaventure tirée par les cheveux: une future grand-maman qui déteste les bébés passe les Fêtes dans le motel d’un ancien amant – au petit matin, elle trouve devant sa porte un bébé dans un panier. Voilà. Mets ça dans ta pipe. Puis, progressivement, Barcelo utilise ce prétexte pour nous jetter à la figure un polaroid cru et révélateur sur la détresse affective, la maladie mentale, la surconsommation, le jugement social… Entre autres.

Tu pensais que je te proposais une lecture facile? Nein. Pas de facilité avec M. Barcelo; du réfléchi dans un emballage claque-dans-la-face. Un beau contre-emploi, à mon avis. 

J’admire franchement la capacité de l’auteur à cristalliser des moments-pivots dans l’existence de ses personnages. (Il l’avait réussi dans Le seul défaut de la neige également.) Les événements qu’il raconte se produisent souvent dans des circonstances de fragilité, ce qui provoque des réactions disproportionnées. Et ça fonctionne. Qu’est-ce qui pourrait arriver de pire à un bébé que de tomber entre les mains d’une femme qui voue une haine viscérale aux bouts-de-choux? Comment justifie-t-elle ses intentions malsaines? D’où vient cette haine? Le truc de Barcelo est de se concentrer sur ce moment-pivot, de ne pas le lâcher, puis de le considérer sous toutes ses coutures sans s’éparpiller. L’action de J’haïs les bébés est un parcours tragique irréversible qui commence le 24 décembre en soirée pour se terminer le 25 en après-midi. Ces quelques heures (quelques pages) sont suffisantes pour permettre à un personnage complexe de se révéler. Il suffit d’un petit panier sur le pas d’une porte et l’engrenage se met en mouvement.

À la lecture de ce court roman, j’ai eu l’impression de revisiter les contes traditionnels où la vilaine sorcière attend, tapie dans sa hutte, que des enfants dodus lui tombent entre les mains pour les dévorer. Barcelo part du même postulat, mais il a l’excellente idée de nous faire pénétrer dans la tête de la sorcière. C’est elle qui raconte. Et tout à coup, cette intimité qu’on développe avec elle fait qu’on en vient à espérer que, contre toutes attentes, les enfants ne la jettent pas aux flammes pour échapper à ses griffes, juste avant le mot FIN.

VV

2 réactions sur “Vic a lu pour toi: J’haïs les bébés de François Barcelo

  1. On comprend tout à l’envers…C’est pas fait pour les profs d’université, surtout comme Michel Barcelo, qui croyaient avoir une retraite dorée en lisant Voltaire et Mao.

  2. Je lis avec intérêt, mais vraiment en porte-à-faux. Le critique fait allusion à une vilaine sorciere qui attend les dodus pour les dévorer. Juste ciel! C’est ce que font les candidates et candidats de l’élection en cours.

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