Vic a lu pour toi: Colorado Kid de Stephen King

Tout y est: une île du Maine coupée du monde, une jeune journaliste en devenir, deux vieux routiers qui dirigent une « feuille de chou régionale », l’idée que des mystères hantent la Nouvelle Angleterre et un homme mort… il y a des décennies. Tout y est, pourtant, rien ne s’y trouve vraiment non plus. Un tour de force; il faut tout dire avec rien.

Justement, cette fois, King m’a impressionné par ce qu’il n’a pas écrit. Et par sa façon d’écrire. Si tu cherches un roman d’horreur ou d’action, oublie ce court texte. Ce livre de 2005 m’apparaît comme un hiatus dans la production du grand monsieur. Il ne ressemble pas au King que j’ai fréquenté, lorsque j’étais plus jeune — il faudra que me renseigne. Peut-être a-t-il des petits cousins, ce Colorado Kid.

Bref, dans Colorado Kid, Stephen King nous raconte un après-midi dans la vie de Vincent, David et Stephanie. Juste ça et tout ça. Vince (90 ans) et Dave (la soixantaine) ont accueilli la stagiaire Stephanie (22 ans) au sein de leur journal, The Islander. Ce stage pourrait bien changer le cours de sa jeune existence. (Je me demande si le nom de la journaliste est une façon pour King de se positionner dans l’histoire qu’il raconte. Qui sait…)

C’est la toute fin de la haute-saison dans cette petite communauté insulaire du Maine où on ne peut se rendre que par traversier. On commence le livre à la fin d’un lunch où les trois journalistes ont reçu un collègue de Boston qui tentait de rassembler du matériel pour une série de chroniques sur le mystères irrésolus de la Nouvelle Angleterre. Il repart sans avoir obtenu de matériel utilisable.

De retour au journal, Stephanie interroge les deux vieux routiers: elle sent qu’ils ont délibérément choisi de ne pas raconter quelque chose. Vince et Dave expliquent qu’il n’ont pas voulu parler du Colorado Kid, parce que ce n’est pas vraiment une histoire; à peine la mise en place d’un mystère datant de 1980, dont ont ne peut même pas deviner le commencement du début d’une explication.

On a bien l’impression que cette fois, grâce à Stephanie, on va y comprendre quelque chose.

La suite du roman est essentiellement la discussion entre les trois protagonistes, pendant laquelle les deux vieux étalent devant la jeune femme tous les faits de l’affaire. En un mot, un homme a été retrouvé mort sur la plage de leur île, en avril 1980, dans des circonstances nébuleuses, sans explication. C’est lui le Colorado Kid — parce qu’on découvrira malgré tout qu’il arrivait justement de cette état des Rocheuses américaines. C’est tout le livre: Vince, Dave, Stephanie et un mystère impossible à percer.

J’ai a-do-ré. Pourquoi?

  • Le dialogue, toujours du point de vue de Stephanie, est savoureux, magistral. On les entend, on les voit, on les comprend.
  • La conclusion m’a laissé complètement sur mon appétit – et c’est le but. J’avais faim de plus en sortant de ma lecture. En même temps, je me trouvais au bout de cette histoire-là.
  • La leçon sur la nature du journalisme et le relation que ceux qui le pratiquent développent avec leur métier, à elle seule, mérite le détour dans ces pages. Dans les petits pots, les meilleurs onguents.
  • La capacité de King de faire vivre l’ambiance d’une communauté isolée est franchement aboutie.
  • Le piège du « who-done-it », bien tendu, m’a torturé l’esprit, puis m’a finalement glissé entre les doigts; à mon grand plaisir.

Tu peux y aller sans réserve, mais attends-toi à une lecture hors de l’ordinaire.

Note: La série télé Haven (2010-2015) a été inspirée par le roman. On y retrouve surtout l’ambiance et quelques personnages. Pour que ça donne de la bonne télé, on y a ajouté du FBI et du surnaturel. Tu ne trouveras pas ça dans le roman… 😉

Ciao.

VV

Vic a lu pour toi: Les Agneaux de l’Aube de Steve Laflamme

Steve Laflamme écrit bien et efficacement. Ce sont deux qualités qu’il m’apparaît parfois difficile de marier. Tu vois, normalement, le balancier penche d’un côté ou de l’autre – pas chez Steve. (Je le connais, donc, je passe au prénom, OK?) Cette enquête de Fred Santinelli nous offre des rebondissements en quantité, aussi bien que des phrases fichtrement bien tournées.

Ce roman nous emporte dans une série de meurtres aux origines mystérieuses qui semblent tisser des liens avec des œuvres littéraires à saveur occulte. La mise en scène des morts porte à la réflexion. La protagoniste, Frédérique Santinelli, est professeure de littérature et a volontairement oublié les premières années de sa vie. Déjà là, on a quoi réfléchir. Elle va faire équipe avec Guillaume Volta, de la Sûreté du Québec, pour détricoter toute l’affaire.

Voici en vrac ce que j’ai le plus apprécié dans cette histoire:

  • Le sincérité des protagonistes: Santinelli, fragile et résiliente à la fois – Guillaume Volta, qui doit composer avec une femme handicapée et une enquête hautement complexe;
  • Le plaisir des mots: Steve nous offre un buffet à volonté grâce à un vocabulaire précis et sans vergogne;
  • Les pistes tortueuses de l’occulte: ce roman nous présente des curiosités littéraires mystiques/mythologiques qu’il m’a fait plaisir de découvrir;
  • Des rebondissements véritables: moi, j’aime ça quand ça bouge – Steve nous présente une histoire qui s’épluche comme un oignon et qui offre des redirections à chaque couche qu’on retire;
  • Un bon coup de COVID: ce roman va là où j’ai hésité à aller – il raconte une enquête en temps de pandémie. Pour moi, c’est un exercice fastidieux que j’ai décidé d’éviter (mon prochain roman se déroule juste avant le début de cette période houleuse). Je me rends compte que ce contexte donne un ancrage fort aux propos. Bravo.

Bref, je recommande ce polar.

Merci à Steve Laflamme de sortir des sentiers battus et de se permettre une enquête qui sollicite le cerveau et titille les émotions en même temps. J’ai passé un très bon moment en compagnie de ses personnages; je voulais en découvrir plus sur leurs histoires personnelles, c’est bon signe. D’ailleurs, Mr. Theflame nous laisse en suspens à ce chapitre, annonçant ainsi une continuation que je vais attendre impatiemment.

Ciao,

VV